19 mai 2011
Je peux imaginer beaucoup de choses, me mettre à la place de beaucoup de gens. Mais je ne peux pas me mettre à la place d’un violeur. Toutes les violences ne me dégoûtent pas – il m’arrive d’avoir envie de frapper, de cogner, de tuer – mais celle-ci me débecte. Je serais incapable d’y recourir.
4 juin 2011
En fait, je n’aime pas les femmes, sauf peut-être comme amies, mais ça ne semble pas possible. Avec elles, il y a toujours un agenda secret. Quand on a couché avec elles, on est entré dans un processus d’emprisonnement auquel il est très difficile d’échapper, même après peu de temps. On s’attache mais tout, de leur point de vue, semble – est ? – calculé.
Il n’y a pas d’égalité entre hommes et femmes même s’il devrait y avoir, comme écrit Sylviane Agacinski dans un article publié aujourd’hui par Le monde, une égalité sociale, à savoir : à travail égal, salaire égal. Sur ce plan, je suis d’accord.
Mais les hommes et les femmes sont des êtres humains et ce sont le plus souvent les relations de pouvoir qui régissent les liens entre les êtres humains. Dans ces relations, chacun ses armes. Celles des femmes ne sont pas celles des hommes, et inversement. Dans ma famille, les femmes contrôlaient l’argent et pratiquement tout le reste. J’ai vu que ça ne fonctionnait pas partout de cette façon, donc la situation était sans doute particulière. Des femmes particulières.
Dans The blunderer, de Patricia Highsmith : « Walter was sure, from what Clara told him, that both men had been on the weak side. Clara liked weak men, she told him, but she didn’t want to marry them. Walter suspected that she considered him the weakest of all, and that was why she had married him. »
Il me semble que c’est ce qui s’est passé dans ma famille. Des femmes qui épousaient des hommes parce qu’ils étaient « les plus faibles », ceux qu’elles pouvaient dominer et manipuler, faire travailler pour leur profit.
Le pouvoir n’a pas de sexe. C’est une force brute, brutale, aveugle, qui ne recule devant rien. Elle peut être masculine (DSK, Tron et sûrement d’autres, présumés innocent) et elle peut être féminine (les femmes de ma famille et, par voie de conséquence, celles avec qui j’ai vécu.) Quand on est un homme faible, ou perçu comme tel, il suffit de quelques jours pour que la femme considère qu’on lui appartient, qu’elle peut tout se permettre, tout exiger.
Sylviane Agacinski conclut, platement, au terme d’un développement confus : « Il ne faudrait pas qu’un imaginaire féminin inverse aujourd’hui ce schéma en regardant (sic) la virilité comme l’incarnation de la violence sauvage et irrépressible. Une telle inversion, occultant toute forme de violence féminine, est-elle souhaitable, ou bien ne faut-il pas lui préférer une culture du respect réciproque ? »
Dans vos rêves, madame. Depuis quand le respect régit-il les relations entre les êtres humains ?
Il semblerait, dans l’affaire DSK, qu’on revienne un peu à la raison. Le monde publie un long article sur les divers complots dont l’ancien directeur du FMI aurait pu être victime. Une interview très sensée et équilibrée de Clémentine Autain donne le point de vue des femmes sur le viol. Ma seule réserve concerne sa condamnation des images de DSK menotté. L’Amérique n’est pas la France. Mais c’est une critique mineure.
Donc ma colère s’apaise et c’est bien. Le « troussage de domestique » mentionné par Jean-François Kahn sur France Culture (cité par Le monde) pourrait la raviver tant ce type de propos montre que certaines personnes se sentent supérieures aux autres ; mais c’est un vieux monsieur qui appartient à un autre siècle. Je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon pour ça.
Je suis allé chez le coiffeur. Ça semble anodin, mais ça m’a toujours été difficile. J’attends le dernier moment. Un salon pour hommes, tenu par un homme, me rappelle des souvenirs d’enfance peu agréables ; un salon mixte où on se fait généralement couper les cheveux par une femme est un peu angoissant. Parce que ce sont des femmes. Et il y a plein de fantasmes sur les coiffeuses.
Naguère, j’allais chez des Chinoises du dix-neuvième arrondissement. Elles ne comprenaient pas la moitié de ce que je disais, mais je les connaissais et elles ne m’angoissaient pas. Depuis que j’ai changé de quartier, j’ai papillonné sans trouver mon bonheur. Mais c’est peut-être arrivé. Dans le salon où je suis allé, pour la deuxième fois, les femmes ne sont pas ces jeunettes en jean à taille hyper basse et T-shirt moulant. Elles ont la quarantaine, sinon la cinquantaine. L’aspect sensuel n’est pas complètement évacué – c’est, après tout, une profession où le corps joue un rôle déterminant – mais il n’est pas insurmontable. Je n’ai pas l’impression d’être un vieux satyre tentant de profiter d’une jeunesse. Ça pourrait me ramener à DSK – qui a quelques mois de moins que moi – mais pas question.
La coiffeuse était presque entreprenante, mais elle était bête. Je m’en suis aperçu quand je lui ai demandé si une de ses nombreuses bagues était bien ornée d’une turquoise. Elle a répondu que c’en était une et qu’elle avait eu envie de m’interroger sur la mienne. Je lui ai indiqué la boutique où je l’avais achetée, rue de Turbigo. Elle a voulu noter. J’ai dû épeler plusieurs fois et je me suis un peu énervé.
Au fond, je l’ai crue bête, mais peut-être était-elle simplement troublée. Il m’arrive de ne pas comprendre, de ne pas entendre et d’être incapable de former les lettres.
26 mai 2011
Rien depuis plusieurs jours en raison d’une mésaventure qu’on pourrait qualifier de sentimentale si les sentiments y avaient vraiment joué un rôle. On parlera plutôt d’aventure sexuelle costumée en relation sentimentale.
La solitude me semblait pesante et je croyais avoir envie de vivre à nouveau avec quelqu’un, mais quatre jours de cohabitation m’ont remis en mémoire ce que ça signifie vraiment : l’exposition, heure après heure, aux obsessions et aux manies d’une autre personne, aux variations brutales de son humeur.
En quelques jours, je suis passé d’un enthousiasme modéré au désir d’échapper à ce qui semblait se construire malgré moi. Mon travail en pâtissait, comme d’habitude, mon temps ne m’appartenait plus et ma pensée elle-même commençait à être affectée. Plus de liberté.
28 mai 2011
Pourquoi je désire les femmes ? Pourquoi les hommes désirent-ils les femmes alors que la conséquence est le plus souvent une lutte pour le pouvoir et une existence de frustration, de conflits, de rancœurs ? Est-ce, tout bêtement, l’instinct de reproduction, qui ne s’applique pas dans mon cas, ou bien s’agit-il du désir de rencontrer une âme sœur qui serait comme un autre soi, juste assez différent pour que ce soit amusant ?
Une aventure d’une semaine a suffi à me replonger dans les prisons de toutes les relations antérieures. Une personne ouverte le premier soir, la première nuit, le premier jour, s’est muée en kapo : impossible de s’en débarrasser – elle ne pouvait, disait-elle, rentrer chez elle –, impossible d’échapper à ses sautes d’humeur, impossible de faire autre chose que m’occuper d’elle. Je disparaissais, très vite, comme j’ai disparu – moins vite – plusieurs fois.
En fin d’après-midi, je suis allé boire un verre au café du coin, où on m’accepte comme je suis. Des femmes passaient dans la rue. Jolies, moches, grosses, accompagnées ou pas, et je me suis demandé pourquoi je les désirais, ce qu’elles avaient, en réalité, de désirable. Rien, m’a-t-il semblé. Il y avait des seins et des culs mais, sur les visages, de la dureté. Rien que de la dureté.
29 mai 2011
Des jeunes « indignés » prévoient de se réunir aujourd’hui place de la Bastille et de s’y installer. Des mouvements similaires ont débuté à Madrid et Athènes, dit-on. Ces jeunes gens ne supportent plus le sort que leur fait le libéralisme effréné, presque inhumain, qui a installé sa domination sur la planète depuis la chute du mur de Berlin. Je me disais à l’époque, alors que chacun se félicitait du triomphe de la « liberté », que l’idéal du capitalisme était le tiers monde – peu de très riches, une classe moyenne réduite au strict indispensable, une masse de pauvres qu’on peut employer et licencier à sa guise, rémunérer le moins possible –, et c’est bien ce qui s’est produit dans les pays dits « émergeants ». Parallèlement, on assiste à une tiers-mondialisation lente mais sensible des nations naguère qualifiées de « développées ».Au moment des « révolutions arabes » en Tunisie et en Égypte, je me suis dit que la contagion finirait probablement par atteindre l’Europe. La Libye était, me semblait-il, la clé. Malgré l’intervention militaire de l’OTAN, le dictateur Libyen est toujours en place. On peut supposer que je ne suis pas seul à être parvenu à cette conclusion et que l’Occident n’est pas particulièrement pressé de le voir tomber.
Mais les jeunes semblent las d’attendre pas et lancent le mouvement, notamment dans les pays (Espagne, Grèce) frappés par des plans d’austérité essentiellement dus à la nécessité où se sont trouvés les États de renflouer des banques devenues folles, qui avaient conduit l’économie mondiale au bord du chaos.
Cependant ce n’est pas, à mon sens, la seule raison. Même si notre situation politique n’est pas comparable aux dictatures tunisienne et égyptienne, nos démocraties laissent beaucoup à désirer. Des groupes solidement implantés monopolisent le pouvoir politique et économique. Les injustices sont nombreuses ; la démagogie règne en maître ; la liberté de la presse, tant vantée, emblème et symbole de la démocratie, relève largement de l’illusion, ses organes étant presque entièrement contrôlés par la finance et l’État.
Cette « indignation » repose donc sur des raisons économiques et politiques. C’est ce qui la justifie et fait sa force.
14 juin 2011
Je suis toujours féministe, d’une certaine façon. Je crois que les femmes ont droit au même salaire que les hommes, à travail égal, même si la notion d’égalité du travail est difficile à définir et fait l’effet d’un prétexte permettant de moins payer les femmes. Il suffit de changer l’intitulé d’un poste pour que le travail ne soit plus « égal », de soustraire ou d’ajouter une attribution.
Mais le viol conjugal, dont j’entends parler depuis ce matin ?
Comment le prouver ? N’est-ce pas principalement le fait de crétins violents qui se livrent aussi à d’autres exactions ? Qui frappent, notamment ? N’est-ce pas aussi la porte ouverte à toutes les dénonciations ? Faut-il que la loi entre ainsi dans les foyers, dans les familles ? D’une certaine façon j’y serais favorable : si la loi avait pénétré autrefois aussi loin dans la vie privée, mes parents n’auraient sans doute pas pu se conduire vis-à-vis de moi comme ils l’ont fait ; d’une autre : le contrôle des comportements devient de plus en plus étroit, comme si le droit devait tout régir, même la vie la plus intime.
Je vois ça comme une perversion du féminisme aboutissant à l’impossibilité de toute relation entre les hommes et les femmes. Ou bien comme un coup médiatique. Si un type viole sa femme, il la frappe aussi, il la menace… sans parler de ses enfants éventuels, de ses proches. Un violent l’est vis-à-vis de tout le monde. Donc c’est un délinquant.
La violence est un délit quand on peut la prouver ; la violence sexuelle aussi. Mais toute violence n’est-elle pas sexuelle ? Des hommes placent des électrodes sur les couilles d’autres hommes et mettent le jus ; des hommes tuent d’autres hommes, leurs coupent les parties et les leur mettent dans la bouche. La barbarie est toujours toute proche.
Dans bien des cas, les relations intimes entre les hommes et les femmes sont régies par le pouvoir, comme partout ailleurs, surtout dans notre pays. Mon expérience est que la violence des femmes existe aussi, mais n’est pas nécessairement physique…Quoique. Une femme m’a frappé, et une autre m’indiquait quand jouir ; ça dépendait d’elle.
En plus, qu’est-ce qu’une relation sexuelle « librement consentie »,comme disait une femme à la radio ? C’est une notion aussi vague que celle de « travail égal ».
En fait, ce qui m’étonne, c’est que les medias, notamment France inter , aient marché dans ce que je considère comme un coup médiatique. Dans le témoignage diffusé ce matin, la femme victime avait une voix d’homme. Je n’y comprenais plus rien. À treize heures, c’était une vieille bourgeoise, sans doute du seizième arrondissement, qui parlait de « relation sexuelle librement consentie », sans définir. Comment pourrait-elle ?
C’est très ridicule mais, à défaut de pouvoir parler de ce qui se passe vraiment – le chômage, la misère, les spéculateurs, le cynisme d’un gouvernement qui favorise les riches au détriment des moins riches et surtout des pauvres, la stupidité des mesures qu’il propose et fait voter par le parlement, mesures que tout le monde feint de prendre au sérieux – il faut bien parler de quelque chose.
D’où l’adhésion au coup médiatique des extrémistes féministes en lutte contre le viol conjugal.
C’est pitoyable. Cette radio que j’aimais bien, que j’aimais tout court, devient une sorte de bouillie nauséabonde. Il n’y a pas de publicités pour Darty ou Carrefour, mais des spots pour le dépistage du cancer colorectal ou du cancer du sein, le recrutement de nouveaux profs, le gaz (privatisé ou pas, qui sait ?), des mutuelles qui ne valent sans doute pas mieux que les compagnies d’assurances ordinaires. Et il y a, en plus, un vernis de sérieux, d’impartialité, même d’impertinence, qui non seulement ne fait pas illusion mais, en plus, donne envie de vomir. C’est comme s’il n’y avait que le style. Tout est dans le style. C’est la France.
France inter est devenue vide. Comme l’était, j’imagine, la radio soviétique autrefois. Vous ne trouvez rien dans les magasins, vous ne gagnez pas assez, la nomenklatura vous écrase ? Le vrai problème qui se pose aujourd’hui à notre pays, c’est le viol conjugal.
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